Qu’est-ce que l’Éthologie ?

Il faut une LONGUE PÉRIODE d’observation totalement détendue et objective pour rassembler et retenir la masse d’informations dont notre appareil de calcul [notre cerveau] a besoin pour distinguer la forme du fond.

Les fondements de l’éthologie, Conrad Lorenz

Le mot «éthologie» vient du grec « étho » ( λόγος) qui signifie «mœurs» et de «logia» (λογία), «étude» : «étude des mœurs».

Cette discipline de recherche vise à comprendre les comportements communs d’une espèce animale dans son milieu naturel ou dans un environnement expérimental grâce à des protocoles d’observations précis pour pouvoir quantifier ces comportements en données statistiques, cartographiques ou graphiques.

L’enjeu de l’association est de développer et faire connaître la démarche scientifique de l’éthologie à travers la recherche participative. En d’autres termes, il s’agit de garantir la conception et/ou la reproduction rigoureuse des protocoles d’observation et d’analyse. Il faut limiter au maximum les variations des conditions d’observation et donc de résultats, entre chaque collecte de données (pour éviter ce qu’on appelle les “biais de protocole”). Cette démarche est nécessaire pour trouver des constantes récurrentes chez l’espèce étudiée. Les actions de vulgarisation de l’association s’attachent à faire comprendre cette démarche scientifique de l’éthologie… L’association forme ainsi les bénévoles à l’échange de nos sensibilités, nos compétences et notre curiosité, avec une approche scientifique.

On confond souvent éthologie et comportementalisme, au dépend de la démarche scientifique de l’éthologie.

Pour aller plus loin

Quelle est la différence entre l’éthologie et le comportementalisme ?

« Le comportementaliste est une personne qui pratique la thérapie comportementale » [dict. Petit Robert 2003]. Cette approche vient de l’ »École de psychologie basée sur l’étude scientifico-expérimentale du comportement (behaviour), et fondée par Watson (1913) à partir des concepts réflexologiques de Pavlov.

Elle met au second plan l’hérédité, les instincts et la constitution du sujet, et est centrée en priorité sur l’importance de l’apprentissage. » [Cismef] On fait généralement appel aux compétences des comportementalistes pour répondre à nos relations avec nos animaux domestiques. Nos interprétations sont souvent hâtives, personnelles et anthropomorphiques. Les interprétations des comportementalistes recourent aux résultats de recherches éthologiques.

“L’éthologie est la “science des comportements des espèces animales dans leur milieu naturel.” [dict. Petit Robert 2003] L’éthologie a une approche plus fondamentale. Elle cherche le ou les facteur(s) déterminant des comportements. La recherche ne doit pas avoir d’à priori, même si elle fonde ses observations sur une hypothèse. Mais celle-ci sera infirmée ou confirmée à l’issue de nombreuses observations d’individus et non d’un seul individu comme en comportementalisme.

L’éthologie recourt à un outil fondamental, l’éthogramme (étymologie : mesure des mœurs) : “description d’une séquence comportementale effectuée par un animal dans une situation donnée.” [dict. Petit Robert 2003]. Si les observations sont effectuées sur un échantillon d’un nombre suffisant d’individus, cet outil permet d’interpréter des données qualitatives en données quantitatives/statistiques.

L’analyse éthologique est au carrefour de plusieurs disciplines, pour interpréter si les facteurs déterminants sont d’origine biologique, neurobiologique, éducative, génétique, écologique… D’où l’intérêt de la recherche participative… Tout le monde peut avoir des compétences ou une expérience à apporter pour construire un sujet de recherche en éthologie.

Documentation

Les applications de l’Éthologie

L’éthologie interroge et incite à partager nos questionnements. Au-delà de ces applications, l’éthologie peut être un outil de médiation scientifique pour allier les enjeux de développement durable.

Application économique

  • Améliorer la production de lait (en comprenant les mécanismes inhérents dans les relations mères-petits au déclenchement de la montée de lait)
  • Améliorer les conditions de vie des animaux d’élevage (en comprenant mieux leurs besoins) => production de meilleure qualité et durée de vie augmentée.
  • Comprendre les comportements des ovins au sein de leur troupeau et dans certaines situations sociales (reproduction et/ou de la compétition alimentaire) pour adapter les techniques et les pratiques dans l’optique d’optimiser la productivité et la reproduction de l’élevage (https://trouverlemeilleurbelier.wordpress.com).

Application sociale

  • Comprendre l’évolution de comportements sociaux   

L’éthologie humaine étudie les processus comportementaux de l’être humain. Celui-ci est alors envisagé en tant qu’espèce animale selon les préceptes de l’éthologie. Des études sur les expressions faciales humaines, éléments clés dans les interactions sociales, ont par exemples été menées avec une approche éthologique. Les participants reconnaissaient mieux l’expression faciale de la peur sur un visage masculin et les femmes discernaient la peur mieux que les hommes (Radek et al, 2015 ).

D’autres phénomènes sociaux comme l’effet d’audience (sensibilité à la présence ou à la nature d’un ou plusieurs observateurs) sont également abordés avec l’éthologie. Ainsi, les jeunes enfants font en sorte d’acquérir plus de ressources autant lorsqu’ils sont simplement observés que lorsque que leur observateur est en compétition direct pour la ressource. Les chimpanzés, eux, ne recherchent à acquérir davantage de ressources qu’en contexte de compétition (Engelmann et al, 2015).

Application éducative

  • Connaitre les mécanismes cognitifs de l’apprentissage pour mener à bien une modification comportementale adaptée à l’espèce et au tempérament de l’individu.
  • Améliorer le mode de vie de l’animal en ayant des effets sur son bien-être général et donc sur son état de santé et son équilibre mental.
  • Connaître les composantes d’une personnalité pour s’adapter à l’individu avec lequel travailler (l’animal mais aussi l’humain)
  • Savoir observer et analyser un comportement gênant. Trouver son origine et comprendre comment il s’est mis en place.
  • Trouver des solutions pour faire disparaître le comportement gênant et tester l’efficacité à court, moyen et long terme de l’outil mis en place.
  • Améliorer la relation à l’Homme en améliorant la communication entre deux espèces différentes (humain/chien par exemple).
  • Expliciter objectivement les mécanismes cognitifs sollicités dans les différentes méthodes d’éducation proposées.
  • Développer son esprit critique sur les différentes méthodes / outils proposés sur le marché. Etre capable de construire son propre avis.
  • Pouvoir se détacher des méthodes empiriques non adaptées aux connaissances actuelles sur les espèces animales.

La modification comportementale – en d’autres mots, « l’apprentissage » ou « l’éducation » – est largement étudiée et documentée par les études scientifiques, quel que soit l’espèce animale (ou humaine).

En effet, l’éthologie nous permet aujourd’hui de comprendre les mécanismes cognitifs des animaux (et des humains !) impliqués dans la modification comportementale : mise en place de nouveaux comportements, l’extinction de certains comportements et le renforcement de certains autres.

La recherche permet également de connaître l’impact de ces mécanismes sur la relation à l’homme et sur le bien-être général de l’animal. Ces connaissances sont indispensables à toutes personnes agissant sur le comportement d’un animal (chiens, chats, chevaux, NAC, chèvres, vaches…).

L’éthologie ne juge pas, elle étudie minutieusement et met en lumière des concepts. Chacun est libre ensuite de suivre les applications qui lui conviennent en toutes connaissances.

La méthodologie de l’éthologie permet d’optimiser ses capacités d’observation et d’analyser objectivement les comportements gênants de nos chiens par exemple. Ensuite, en mettant en parallèle les observations de terrain et les recherches scientifiques, nous pouvons mettre en place des outils d’amélioration et en tester l’efficacité. L’intérêt étant de garder un regard éthique et scientifiquement correct sur la situation et le bien-être de l’animal et de l’humain en charge de celui-ci.

Exemple d’éthologie appliquée à l’éducation canine :

On parle plutôt de comportements « gênants » d’un chien, et non de « problèmes » de comportements car ceux-ci restent pour autant des comportements « naturels », c’est-à-dire faisant partie de l’éthogramme de l’espèce. Par exemple, un chien qui saute sur les invités…est un chien qui adopte un comportement logique ! C’est un comportement gênant mais pas anormal. Le chien a besoin qu’on lui enseigne comment nous souhaitons qu’il se présente aux invités afin de répondre aux règles conventionnels de la vie sociétale des humains. Y voir là une tentative de domination du chien sur l’humain est aujourd’hui totalement erroné. Des approches coercitives pour enrayer ce phénomène ne serait donc ni nécessaire ni justifié.

Application pour le bien-être animal

  • Améliorer les conditions de détention en captivité des animaux sauvages et domestiques (en comprenant mieux leurs besoins) => éthique attendue en parcs zoologiques et autres.
  • Eviter l’anthropomorphisme souvent néfaste au bien-être animal.
  • Tester les croyances empiriques, en les confirmant ou infirmant.
  • Mettre en lumière les besoins fondamentaux de chaque espèce.
  • Adapter les conditions de vie des animaux.
  • Améliorer la relation Homme-Animal.
  • Améliorer l’équilibre physique et mental des animaux.

Le bien-être animal est étudié notamment grâce aux comparaisons des modes de vie des animaux captifs avec les animaux vivants en liberté ou semi-liberté (vie sociale, activités journalières appelées « budget temps », relation à l’environnement etc).

Par exemple, les chevaux en semi-liberté vivent en groupes stables d’un étalon avec deux à trois juments seulement. Ils mangent 60% de leur temps et se déplacent principalement au pas (Berman et al, 1993), contrairement aux imaginaires collectifs de groupes d’une centaine de chevaux toujours au galop.

Les loups quant à eux vivent en meute lorsque leur écosystème le permet, c’est-à-dire en famille de deux parents avec leurs louveteaux et les sub-adultes de l’année précédente. L’organisation sociale des loups en liberté et des loups en captivité est totalement différente. Les loups sauvages ne sont pas agressifs les uns envers les autres et sont presque toujours exclusivement de la même famille au sein d’un groupe (Mech, 1999)

Les chiens errants eux ne vivent pas en famille mais se regroupe (mais pas toujours !) par affinités. On constate que l’organisation sociale n’est pas stable dans les groupes de chiens, on ne peut donc pas parler de hiérarchie, ni de chien dominant ou encore de meute (Bradshaw et al, 2009). Egalement, un chien qui remue la queue n’est pas forcément content, il peut remuer la queue avant d’agresser ! (Quaranta et al, 2007)

Le bien-être animal est aussi directement observé et étudié chez les espèces vivant auprès de l’Homme (animaux de compagnie, de rente, animaux sauvage en captivité). Différents tests observent l’état émotionnel et motivationnel de l’animal, test la relation avec l’Homme, la réactivité à la nouveauté, l’état physiologique etc… Cela permet d’adapter à chaque animal son environnement pour en améliorer les conditions. C’est ici que l’éthologie appliquée permettra d’adapter les connaissances générales à chaque situation en étudiant les conditions au cas par cas.

Par exemple, un cheval qui mange du foin en continue aura une meilleure relation à l’Homme et présentera moins de comportements indésirables comme les stéréotypies (Rochais et al, 2018).

Des vaches stimulées régulièrement visuellement et olfactivement par la mise en place d’objets nouveaux dans leur logement les rendront moins craintives et moins défensives face aux manipulations de l’agriculteur (Mandel et al,  2016)

Les félins en captivités présentent moins de comportements anormaux lorsqu’ils sont stimulé olfactivement, on parle d’enrichissement de l’environnement (Wells et al, 2009)

Application écologique

  • Comprendre les mœurs d’espèces sauvages pour mieux les protéger / s’en protéger
  • Comprendre les mœurs pour garantir le succès de réintroduction d’une espèce 

Alors que la population humaine mondiale ne cesse d’augmenter, les espaces naturels eux s’amoindrissent. Les hommes et espèces sauvages doivent alors partager un même territoire et les mêmes ressources, augmentant le risque de conflits.  

Par exemple, en Afrique et en Asie, l’éléphant est contraint de se déplacer sur des zones de plus en plus restreintes et font régulièrement des dégâts sur les cultures. La plupart des techniques actuelles d’atténuation des conflits sont basés sur le conditionnement des éléphants par la peur avec un stimulus négatif (clôtures électriques, pétards portatifs…). Toutefois certains programmes pilotes se développent en s’appuyant sur le comportement, la cognition et l’écologie des éléphants afin de mettre en place des moyens de dissuasion plus doux et efficaces sur le long terme. Ainsi des cultures d’agrumes, non attractives pour l’éléphant et masquant les odeurs des autres cultures, ont vu le jour et sont cultivées en barrières autour des cultures d’intérêt (Mumby et al, 2018 et Project Orange Éléphant).    

Dans le cas du loup, c’est la déprédation du bétail qui est le conflit le plus répandu et avec la plus grande importance économique. Une meilleure compréhension des comportements des loups face aux moyens de protection, et en particulier face aux chiens de protection de troupeau permet de mieux s’en protéger et de limiter les conflits. En France, nous savons désormais qu’en présence de chiens de protections, les loups ont tendance à s’approcher des troupeaux sans toutefois réaliser d’attaques dans 65% des cas (Landry et al, 2020).

La translocation, déplacement d’espèces animales vers des environnements ou elles n’étaient pas présentes auparavant, est un outil de conservation largement utilisé afin de constituer des populations viables. Toutefois, la mortalité des individus après déplacement peut être élevée. Des études éthologiques ont pu démontrer que des espèces sociales transférées avec leurs groupes familiaux avaient des chances de survie plus importante et un meilleur succès reproducteur. (Shier et al, 2006).

D’autres espèces, de par leur plasticité comportementale et spatiale ont une grande flexibilité écologique, qui leur garanti un bon succès de réintroduction : c’est le cas de l’Ours brun.  

Les Ours bruns slovènes se sont par exemple très bien adaptés dans les Pyrénées après leur introduction. En effet, ceux-ci ont eu une taille des portées supérieures (1,6-1,7 pour la souche slovène contre 1,25 pour les Ours bruns autochtones, Camarra et al. 2007), une maturité sexuelle potentiellement plus précoce et une survie élevée des jeunes la première année.