De l’initiative…
La rencontre
L’association s’est créée en février 2015. En mai de cette même année, Amalia Cuadrat, fondatrice de l’association a rencontré Camille Fraissard diplômée de biologie animale et éthologie appliquée. Camille conduisait depuis 2012 le projet d’étude « SoSBLiGuDo » (Social to Spatial Behavior of Livestock Guarding Dogs) dans l’objectif d’une thèse.
En effet, par son expérience de médiatrice pastorale et diverses recherches sur le sujet (suite à l’expérience d’attaques de loups sur cheptel domestique), Camille Fraissard avait fait le constat qu’aucune étude éthologique n’avait été menée sur le long court en France pour comprendre le fonctionnement des chiens de protection dans le contexte agro-pastoral et touristique local.
Camille avait conçu un protocole d’étude initialement appuyé par GAILLARD Jean-Michel, chercheur à l’UMR CNRS 5558 -Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive à Lyon et LANDRY Jean-Marc, de l’Institut pour la Promotion et la Recherche sur les Animaux de Protection. Elle avait trouvé des soutiens techniques auprès de chargés de mission pastoralisme/prédation en DDT et l’intérêt du responsable du pôle biodiversité de l’époque au Parc Naturel Régional du Vercors ainsi que d’autres Parcs Naturels Régionaux (Verdon, Chartreuse, Pilat) et Nationaux (Ecrins et Vanoise). Pour autant, les demandes de financements sont restées sans appel.
Ce sont alors les compétences et intérêts complémentaires de Camille Fraissard et Amalia Cuadrat qui ont amené l’association VIE a porter le projet « SoSBLiGuDo » en lui donnant une dimension participative. Il serait ainsi rebaptisé « Le patou ne fait pas tout… ». L’association s’est ensuite développée sur cette base.
Les enjeux scientifiques
La sélection et l’éducation des chiens de protection de troupeaux n’ont pas été poursuivies depuis la disparition des prédateurs en France, au début du XXème siècle. Les méthodes d’éducation demeurent empiriques en France malgré la progression de l’emploi des chiens de protection depuis le retour du loup dans les années 90. Il n’existe pas de critères communs pour la sélection des lignées de travail. (Ces critères sont par exemple absents du Stud-book français du Montagne des Pyrénées, race la plus courante dans notre pays). L’acquisition de chiens de protection et la demande de connaissances par les éleveurs sont pourtant croissantes. Dans le même temps, les difficultés de maîtrise de ces chiens alimentent les débats dans un contexte socio-économique et politique très tendu : l’efficacité des chiens de protection est parfois décriée et les conflits d’usage sont réels. Les lacunes scientifiques sur le sujet et les débats passionnés isolent les acteurs.
Camille Fraissard a rencontré en 2013 Raymond Parke Coppinger, professeur de biologie américain. Ce chercheur a étudié tout au long de sa carrière le comportement des chiens de travail et notamment de protection de troupeau et leur éducation. Ses méthodes sont toujours appliquées en France comme base de travail. Toutefois M. Coppinger a approuvé la présente étude par la nécessité d’adapter ses travaux aux systèmes agro-pastoraux* et touristiques français. En effet, ces derniers sont très variés et bien différents des grands espaces américains.
*Systèmes agro-pastoraux :
Un système d’exploitation est défini par l’orientation de la production (viande ou lait), le nombre de bêtes, la surface d’herbe et de foin disponible, le climat local, le paysage dans lequel les bêtes paissent (plaine, montagne, avec peu ou beaucoup de surface boisée). Le genêt ou les bois conditionnent un pâturage extensif (c’est-à-dire sur une plus grande étendue pour le même nombre de bêtes) et l’organisation de la garde (les bosquets facilitent les attaques des prédateurs qui s’y cachent). Un système d’exploitation est aussi défini par les choix de vie de l’agriculteur (organisation de son temps de travail et familial, revenu attendu, éventuels crédits)
Les enjeux du projet « Le patou ne fait pas tout » visent donc à :
- Poser des bases validées et communes d’interprétation des comportements des chiens de protection, grâce à une démarche scientifique.
- Proposer les applications de cette étude aux éleveurs et aux professionnels agricoles (choix et sélection des chiens adaptés aux besoins et aux contextes).
- Mettre en réseau ces acteurs sur des bases scientifiques afin de pouvoir établir des échanges concrets.
L’étude “Le patou ne fait pas tout” propose donc d’identifier les comportements du chiot permettant de prédire ses critères d’efficacité en tant que futur gardien de troupeaux.
En d’autres termes, la façon dont le chien se comporte à l’âge adulte au sein de son troupeau est-elle déterminée par ses comportements au stade chiot, avec les animaux de son troupeau, son maître, les autres humains, les chiens connus ou étrangers ?
Analyser les comportements sociaux implique de définir des tempéraments de chien, et des profils ‘type’ (défenseur, alerteur, protecteur, patrouilleur, etc.).
Mis en relation avec les comportements spatiaux (déplacements des animaux), ce travail débouche sur des critères de choix voire de sélection de lignées de travail. Le but de l’étude n’est pas de définir un profil type de chien parfait (qui n’existe pas), mais de donner des outils pour choisir le profil de chien qui convienne le mieux à l’expérience, la personnalité et au système d’exploitation du futur acquéreur.
Les enjeux de médiation et de vulgarisation
Organiser le projet d’étude “ Le patou ne fait pas tout ” dans le cadre d’une recherche participative est une réponse aux enjeux de médiation et vulgarisation.
Faire comprendre l’intérêt de la démarche scientifique et donc de l’étude et ses applications :
- à une époque où les acteurs territoriaux étaient peu organisés en réseau sur ce sujet, avec des niveaux d’implication très variables d’un département à l’autre,
- où des difficultés à se comprendre entre acteurs agricoles et non agricoles (conflits d’usage par exemple avec les randonneurs) croissent,
- et où l’efficacité des chiens de protection de troupeaux est parfois mise en doute.
…Au projet
Trois races de chiens de protection sont aujourd’hui étudiées (parmi les plus utilisées en France) :
Le Montagne des Pyrénées (race française)
Le Kangal ou Berger d’Anatolie (race turque)
Le Cao De Gado Transmontano (race portugaise)
De l’épreuve du protocole à la recherche participative
La mise en œuvre d’une recherche à l’échelle participative nécessite une phase d’épreuve*. Cette phase a pris 2 ans pour valider les premiers pré-résultats. Le document ci-dessus résume ce travail.
*Phase d’épreuve :
Sélection du matériel d’étude, en testant son endurance et adéquation sur le terrain, mise au point d’outil de vulgarisation du protocole et de l’intérêt de l’étude auprès des éleveurs, formation à la manipulation du matériel et à la collecte de données, mise en place d’un réseau de contacts éleveurs et de partenaires pour collecter les données, etc.
Ce travail s’est fait au départ grâce à la confiance de 4 éleveurs du Causse Méjean et un éleveur au Nord Lozère, actuellement référent des enjeux agricoles du comité de pilotage de ce projet. Aujourd’hui ils sont 51 à faire partie de l’aventure.
Cette recherche participative implique différents acteurs sur le terrain :
Par ailleurs, depuis 2017, l’association accueille des stagiaires issus de différents cursus scientifique. Ceux-ci participent grandement à la collecte, traitement et analyse des données comportementale et spatiale.
- Cédric De Almeida Braga, Master 1 Comportement Animal et Humain –Université de Rennes 1.
- Pierre-Baptiste Machaux, Master 1 Ecologie et Biologie des Populations – Université de Poitiers.
- Amélie Possich, Master 1 Biodiversité, Ecologie, Evolution – Université de Lyon 1.
- Mélanie Rouby, Master 1 Ethologie – Université Paris 13.
- Camille Bartolacci, Master 1 Sciences de la Terre et des Planètes, Environnement – Université des sciences et des techniques, Nantes.
- Thibault Noyes, Master 1 Sciences de l’Environnement Appliquées à la Montagne – Université Savoie Mont-Blanc.
- Marie Thomé, Licence 3 SVT Biodiversité et Ecologie – Université d’Aix Marseille.
- Emma Roux, 2ème année Ingénieure Agronome – SupAgro Montpellier.
- Magali De Poret, Master 1 Éthologie – Université Sorbonne Paris Nord.
- Céline Mialhe, Master 1 Éthologie – Université Sorbonne Paris Nord.
- Edith Guillaumont, 2ème année BTSA production animale – MFR de Haut-Vaucluse
- Sophie Clesse, Master 2 Biologie des Organismes et Ecologie –Université de Liège.
- Emmeline Caray, Master 1 Sciences du vivant : Écophysiologie, écologie et éthologie – Université de Strasbourg.
- Jennifer Chambeaud, 2ème année Ingénieure Agronome – SupAgro Montpellier.
- Héloïse Keller, Master 2 Biologie des Organismes et Ecologie – Université de Liège.
- Mistiou Grelot, Master 1 Comportement animal et humain – Université de Rennes 1.
- Julie Lefeuvre, 2ème année Ingénieure Agronome – SupAgro Montpellier.
- Marie Raynaud, Master 1 Biodiversité, Ecologie, Evolution – Université Claude Bernard Lyon 1.
- Sébastien Richard, Licence 3 SVT Biologie-Ecologie – Université de Nantes.
- Anaïs Richard Ramel, Licence 3 Psychologie – Université de Nîmes.
- Anna Blanc, M1 éthologie – Université de Renne 1
- Sofiana Mohami-Vial, M1 éthologie – Université Jean Monnet St Etienne
- Clara Petit, L2 Sience de la vie – Université de Lille
- Suzanne Dumerchat, Ingénieure agronome 2ème année – Institut Agro Montpellier
Une reconnaissance en cours, aujourd’hui nationale, voire internationale
2015-2016 : 4 éleveurs volontaires acceptent l’aventure, 4 chiens éprouvent le protocole d’étude et le suivi sur le terrain -. Parallèlement, l’association intervient dans les écoles et lors de festivals (Fête de la Science, Festival Passass au Pont de Montvert) dans le cadre de son activité de vulgarisation, pour faire connaître l’éthologie au grand public. Les recettes des prestations sont entièrement investies au profit de l’initiative “Le patou ne fait pas tout…”.
2017 : 3 nouveaux éleveurs s’engagent, 3 nouveaux chiens sont suivis ; peaufinement du protocole et développement des outils adaptés au terrain et accueil des deux premiers stagiaires en Licence d’éthologie et d’analyses cartographiques. Suspension des interventions dans les écoles et festivals grand public, pour mieux cibler un public plus concerné à ce stade du projet associatif.
2018 : L’intérêt et le réseau pour le projet “Le patou ne fait pas tout…” s’étendent : 9 nouveaux éleveurs se sont engagés, 14 nouveaux chiens sont suivis ; un soutien technique et financier du PNR du Vercors se met en place pour le suivi des chiens sur le territoire parc ; divers échanges s’initient avec la Pastorale pyrénéenne et d’autres acteurs, notamment des professionnels de l’Innovation (Data for Good et la French Tech Valence) et universitaires (participation au colloque “Loup y es-tu ?” en Belgique avec l’Université de Lièges).
2019 : 6 nouveaux éleveurs engagés et 23 nouveaux chiots suivis ! Un nouveau partenariat est signé avec les associations Encore Éleveurs Demain et Meuse Nature Environnement. 2019 est également marquée par des événements de communication :
2020 : 30 nouveaux chiens de protections suivis ! Soit chez des éleveurs faisant déjà partis de l’étude, soit chez les 18 nouveaux acquéreurs offrant ainsi de nouveaux territoires comme le PNR des Baronnies ou les Alpes Maritimes. L’année 2020 se distingue également par l’accueil des premiers Volontaires en Service Civique et le partenariat avec le PNR du Vercors.
2021 : 26 nouveaux chiens de protections suivis ! Février et Juin 2021, l’association a participé au tournage Le monde de Jamy “Animaux : une affaire de famille !” pour présenter les chiens de protection et le travail de suivi éthologique mené. V.I.E a également été présente lors des rencontres transfrontalières sur le loup et les activités d’élevage en plaine – Encore Eleveurs Demain et Meuse Nature Environnement, ainsi qu’au colloque : “entre mammifères soyons diplomates” à Lons le Saunier.
2024 :
Selon Eric Wilsson, chercheur suédois (dans son article de 2016 sur la Nature et l’Education des chiens), ” les tests de tempérament pour les chiens de travail peuvent fournir des informations substantielles sur le phénotype comportemental d’un chien particulier. Lorsqu’une plus grande proportion de la population est testée, les résultats du test peuvent également fournir des informations sur les effets de différentes conditions environnementales sur le phénotype, car si la population est grande, les environnements sociaux et physiques auxquels les chiens sont exposés diffèrent”.